Des histoires d'entrepreneures d'exception

Nouveau Départ, Nouveau Travail #38 | Laetitia Vitaud

✍️ Nouveau Départ, Nouveau Travail. Voici un nouvel article de ma série “Nouveau Départ, Nouveau Travail” où je partage, par écrit, des réflexions sur les mutations du travail, inspirées par l’actualité, des expériences vécues ou mes lectures du moment. Je me suis fixé le défi de vous proposer des articles courts et percutants 💡

« Je désire que ma marque tienne à New York comme à Saint-Pétersbourg le premier rang », proclamait Barbe-Nicole Clicquot-Ponsardin, la veuve Clicquot, au XIXe siècle. Deux siècles plus tard, cette ambition féminine résonne encore, mais elle se heurte toujours aux mêmes obstacles. En France, une écrasante majorité des entrepreneures disent qu'il est plus difficile d’entreprendre pour une femme que pour un homme. Dans certains milieux, c’est mission impossible : les start-up fondées par des femmes n'ont levé que 2% des fonds depuis 2008.

Pourtant, l'entrepreneuriat féminin n'est pas qu'une question d'égalité, c'est un impératif économique et social. De nombreuses femmes de moins de 30 ans souhaitent entreprendre, voyant dans l'entrepreneuriat un projet de carrière. Mais comment naviguer entre les injonctions contradictoires — « osez tout » d'un côté, scepticisme de l'entourage de l'autre ? Dans un monde si incertain, n’est-ce pas une folie de vouloir être « à son compte » ?

Dans ce contexte, le guide entrepreneurial de Josiane Asmane est bienvenu. En 194 pages richement illustrées, il célèbre la diversité des parcours féminins avec des histoires de femmes de toutes sortes. Autrice de plusieurs ouvrages dont Les Fleurs de l'âge (Flammarion), Josiane va chercher l'inspiration entrepreneuriale féminine au-delà du monde de l'entreprise au sens strict.

Car si l'on se devait se contenter des entreprises classiques créées par des femmes, on n'aurait pas grand-chose à se mettre sous la dent (à l’échelle de l’Histoire des entreprises, j’entends) ! Alors l’autrice va chercher dans le monde de l'art, le sport, l'exploration ou encore la littérature pour trouver des leçons d'entrepreneuriat. Parmi les portraits proposés (en plus de celui de la veuve Clicquot) : Serena Williams, Agatha Christie, Virginia Woolf, Nellie Bly, Jeanne Barret, créant un pont entre les pionnières d'hier et les entrepreneures d'aujourd'hui.

Le livre m’a fait penser à l’ouvrage pour enfants Histoires du soir pour filles rebelles qui raconte des destins extraordinaires de femmes dans l'Histoire - mais ici, c'est pour nourrir l'imaginaire entrepreneurial des adultes !

Une pionnière de l’entrepreneuriat féminin

Au début du XIXe siècle, Barbe-Nicole Clicquot-Ponsardin, née en 1777 à Reims, voit sa vie basculer à 27 ans. En 1805, son mari François Clicquot meurt subitement de la typhoïde, la laissant veuve et mère d’une petite fille. Contre l’avis de son entourage, elle décide de reprendre l’entreprise familiale de négoce de vins de Champagne. À une époque où les femmes n’ont ni droits civiques ni place reconnue dans le monde des affaires, elle devient l’une des premières femmes cheffes d’entreprise de l’ère moderne.

Sa détermination s’accompagne d’un sens de l’innovation et d’une capacité à penser à long terme. En 1810, elle lance le premier champagne millésimé. En 1814, elle fait parvenir 75 tonneaux de champagne à Saint-Pétersbourg en pleine période de tension post-napoléonienne. En 1816, elle met au point la table de remuage, qui améliore la qualité du vin et reste encore utilisée aujourd’hui. Elle soigne aussi son image de marque et devient une reine du marketing : elle grave le sigle VCP sur les bouchons et entretient un vaste réseau de correspondance commerciale à travers l’Europe. Sous sa direction, la production passe de 100 000 à 750 000 bouteilles par an.

Un héritage toujours vivant avec Bold by Veuve Clicquot

C’est cette énergie fondatrice que perpétue aujourd’hui la Maison à travers le programme Bold by Veuve Clicquot. Créé dans la continuité du Bold Woman Award lancé en 1972, ce programme international met en lumière les femmes entrepreneures d’aujourd’hui, célèbre la diversité de leurs parcours et soutient leurs initiatives à travers une base de données collaborative, des événements et une communauté vivante et solidaire. Il prolonge la vision de Madame Clicquot : viser loin et ne pas se conformer aux attentes.

Le livre Entrepreneures d’Exception (Eyrolles) a été soutenu par Veuve Clicquot. Il s’inscrit dans cette filiation en rendant hommage à des femmes qui, à l’instar de la veuve, ont su transformer les contraintes en leviers.

L'entrepreneuriat comme voie d'émancipation nécessaire

Quand le monde du salariat se révèle si peu accueillant pour l'ambition féminine, avec ce plafond de verre qui se transforme en trappe à la seconde moitié de carrière (pour celles et ceux qui n’auraient pas vu passer la note de la Fondation des femmes sur « Le coût de la séniorité des femmes », j’en remets une couche), l'entrepreneuriat devrait logiquement constituer une voie de sortie, la possibilité de « voter avec ses pieds » et de partir créer un travail qui nous convient.

Mais pour l'instant, le compte n'y est pas. Si les femmes entreprennent effectivement (16% contre 27% d'hommes en France), elles se retrouvent trop souvent dans une précarité économique qui contredit l'idée d'émancipation. Elles entreprennent massivement dans des secteurs peu rémunérateurs, se rémunèrent insuffisamment, et restent exclues des levées de fonds qui permettraient de changer d'échelle. L'entrepreneuriat féminin actuel ressemble encore trop souvent à un « petit projet sans prendre trop de place ». Contre cette résignation, ce livre veut montrer que l'audace entrepreneuriale des femmes a toujours existé et qu'elle transforme le monde.

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