Pourquoi les startups européennes peinent à lever des fonds
Nouveau Départ, Nouveaux Défis #13
✍️ Nouveau Départ, Nouveaux Défis analyse les transformations qui refaçonnent l’économie et la géopolitique. Face à la transition numérique, énergétique et démographique, ainsi qu’aux tensions mondiales, cette série éclaire les défis d’aujourd’hui et de demain. Entre tendances globales et impacts locaux, elle aide à mieux anticiper les ruptures et saisir les opportunités. L’objectif est de vous proposer des articles courts et percutants 💡
En Europe, le manque de capital-risque est souvent expliqué par l’aversion au risque des investisseurs ou par des impôts jugés trop lourds. Ces explications sont faciles et en partie vraies, mais elles passent à côté de l’essentiel. La principale raison de la faiblesse du capital-risque en Europe est macroéconomique et globale : elle tient à la position structurelle de l’Europe dans les flux de capitaux mondiaux.
Aux États-Unis, la vigueur du capital-risque ne s’explique pas seulement par la culture. Elle est plutôt un effet secondaire d’un système où le pays absorbe les surplus de capitaux du monde entier. Les investisseurs étrangers détiennent tellement de dollars qu’ils cherchent à tout prix à les investir aux États-Unis. Ce faisant, ils achètent des obligations, des actions et des biens immobiliers américains, ce qui crée une « pression » sur le capital domestique. Privé d’accès aux placements sûrs, ce capital domestique commence à « déborder » et alimente les investissements à haut risque, comme les hedge funds… ou les startups. Ce mécanisme explique en partie pourquoi le capital-risque américain semble inépuisable : il est soutenu par la stature du dollar et la place du pays comme destination d’investissement prioritaire, qui provoque une surabondance de capital et le débordement vers des actifs plus risqués.
L’Europe, elle, est dans une situation inversée. Elle exporte plus vers les États-Unis qu’elle n’importe, et ce surplus commercial explique que les Européens détiennent une quantité importante de dollars, lesquels finissent par revenir aux États-Unis pour y être investis ! Dans le même temps, le déficit commercial européen avec la Chine provoque un phénomène symétrique : les investisseurs chinois détiennent des euros, qu’ils cherchent à investir en Europe.
Le problème, c’est que les capitaux chinois, qui ne sont pas les bienvenus partout, sont investis sur certains segments seulement : pour l’essentiel, des infrastructures stratégiques et des unités de production qui soutiennent les entreprises chinoises sur le marché européen. Le capital domestique européen n’est donc pas évincé des placements sûrs comme c’est le cas aux États-Unis. Les actifs peu risqués comme les obligations, l’immobilier, les projets industriels matures restent disponibles pour les investisseurs européens. Ils ne sont donc pas contraints de « déborder » vers des actifs plus risqués comme les startups.
La conséquence est prévisible : les entrepreneurs européens rencontrent des difficultés pour lever du capital en Europe. Les plus déterminés partent alors s’installer, transformant leur entreprise en un actif américain qui devient immédiatement attractif pour les investisseurs détenant des dollars. Le « débordement » fait le reste : les actifs les moins risqués sont trop disputés et les prix montent, ce qui rend les actifs plus risqués, en particulier les startups, plus attractifs pour les investisseurs. D’un seul coup, lever de l’argent devient plus facile !
La solution au déficit de capital-risque en Europe ne réside donc pas seulement dans des incitations fiscales ou des programmes de soutien aux start-ups. Il faut agir sur trois leviers :
Répression financière ciblée : encourager les fonds locaux à investir dans les entreprises européennes, même au prix d’un rendement immédiat plus faible.
Capital de production : créer des intermédiaires financiers capables de combiner capital-risque, crédit et financement de projets pour, au-delà du seul secteur logiciel, soutenir les technologies industrielles et énergétiques.
Investissement stratégique : canaliser les capitaux vers les actifs essentiels pour la prochaine phase industrielle, comme les technologies électriques et l’infrastructure stratégique.
En résumé, la rareté du capital-risque en Europe est le symptôme d’un déséquilibre global. Tant que le continent ne gérera pas ses flux financiers et son patrimoine industriel de manière stratégique, il restera un fournisseur de capitaux pour d’autres économies, plutôt qu’un moteur de ses propres innovations.
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