La sédentarité tue. Le travail n'aide pas.
Nouveau Départ, Nouveau Travail #25 | Laetitia Vitaud
✍️ Nouveau Départ, Nouveau Travail. Voici un nouvel article de ma série “Nouveau Départ, Nouveau Travail” où je partage, par écrit, des réflexions sur les mutations du travail, inspirées par l’actualité, des expériences vécues ou mes lectures du moment. Je me suis fixé le défi de vous proposer des articles courts et percutants 💡
Il m'arrive de rester plusieurs heures sur ma chaise sans me lever, les yeux absorbés par mon écran, mon cerveau sous l'effet de la dopamine des applications qui m'utilisent autant que je les utilise. Clairement, post-Covid, je me déplace moins qu'avant : le travail hybride s'est généralisé, la plupart des rencontres et « cafés » se font à distance ; la plupart des réunions se déroulent derrière un écran. Le pire ? Je ne suis même pas vraiment consciente du temps qui passe quand je suis dans cet état de flow professionnel (de transe numérique).
Tout le monde bouge encore moins qu’avant. Plus de télétravail (et je suis favorable au télétravail, n'utilisez pas ce que je vais écrire comme un argument contre), ça veut dire moins de trajets à pied pour aller au métro. Plus de réunions hybrides, c’est moins de pas pour se déplacer d'une salle à une autre au bureau. De plus en plus de connexion numérique, ça se traduit par moins de mouvements corporels en tous genres. On a les yeux collés sur un écran en permanence, comme hypnotisés.
Pré-Covid, l'entreprise Fellowes avait déjà lancé cette géniale campagne sur « Emma, la collègue du futur » pour alerter sur les dangers d'une mauvaise ergonomie pour les travailleurs de bureau. Et franchement, cette Emma a de quoi vous donner des frissons. Un modèle grandeur nature qui nous montre à quoi nous pourrions ressembler dans 20 ans si nous continuons sur notre lancée : dos voûté, varices nombreuses, ventre bedonnant (et gros problèmes digestifs), problèmes oculaires (yeux rouges), poignets et chevilles enflés, teint jaunâtre à cause de la lumière artificielle... (et on complète le tableau en imaginant les problèmes psychiques qui la rongent de l’intérieur).
Les chiffres de leur étude sont glaçants : en France, nous passons environ 8 heures par jour assis à nos bureaux. Pas étonnant que 67% des employés de bureau français souffrent déjà de mal de dos, 57% de fatigue oculaire et 59% de maux de tête directement liés à leur espace de travail. Près de huit employés sur dix ont recours aux médicaments pour gérer ces problèmes. C’est-à-dire qu’on traite les symptômes plutôt que les causes… Parmi ceux qui ont demandé une amélioration de leur poste de travail, plus de la moitié (54%) attendent encore. Il est clair que les employeurs ne font généralement pas assez.
La sédentarité tue. On devrait en parler tellement plus ! Selon l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire), 95% des adultes français sont exposés à un risque de détérioration de la santé parce qu'ils ne font pas assez d'exercice ou passent trop de temps assis. Rester assis pendant de longues périodes est associé à un risque accru de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2, et même de certains types de cancer. Pire, le comportement sédentaire est lié à un risque accru de mortalité toutes causes confondues.
En clair, nos corps ne sont pas faits pour vivre 8 heures (ou bien plus) par jour, les fesses collées à une chaise et les yeux rivés sur un écran. Nous sommes des animaux faits pour bouger ! Or seulement 5% des adultes d’aujourd’hui bougent suffisamment pour protéger leur santé.
Et si les chiens venaient à la rescousse ? En effet, avoir un chien, c’est s’obliger à sortir plusieurs fois par jour pour marcher quelques minutes. Une étude publiée en 2019 dans Scientific Reports a révélé que les propriétaires de chiens sont quatre fois plus susceptibles de respecter les recommandations d'activité physique (150 minutes par semaine) que les personnes sans chien. Leur activité physique en plus vient principalement de la marche récréative avec le chien, qui n’est pas remplacée par d'autres formes d'exercice. Près des deux tiers des personnes qui promènent leur chien atteignent les critères d'activité physique modérée et/ou vigoureuse régulière, contre seulement 45% pour les personnes sans chien.
J'ai récemment rencontré deux femmes qui ont créé l'agence POILU.S (Anne et Marie) et qui sont en croisade pour qu’on fasse plus de place aux animaux au travail. Elles ont des arguments ! On sous-estime à quel point les chiens nous poussent à être davantage dans nos corps et à bouger très régulièrement – ce qui est la clé de la santé face à la sédentarité extrême. Même les micro-mouvements pour se lever et les caresser ou bien les regarder et ne plus avoir les yeux sur l'écran pendant quelques secondes sont salutaires.
Mais les chiens ne se contentent pas d'imposer de petites sorties quotidiennes à leurs maîtres – ils nous invitent aussi à repenser notre rapport au corps. Contrairement à l'idée reçue qui réduit ce sujet à une simple préférence personnelle (« elle veut juste pouvoir amener son chien au bureau »), l'intégration des chiens dans nos espaces professionnels soulève des questions essentielles sur le corps au travail. Même si les chiens ne sont pas une solution universelle – certaines personnes sont allergiques, phobiques ou n'ont pas les moyens d'en avoir – ils peuvent servir de prisme révélateur pour aborder le problème de la sédentarité professionnelle.
L'influence des environnements dog-friendly peut bénéficier à l'ensemble des collaborateurs, même ceux sans animaux. Ces pratiques transforment la culture d'entreprise en normalisant des comportements salutaires : réunions téléphoniques en marchant (pour « sortir le chien », même imaginaire), légitimation des pauses régulières, et valorisation des micro-mouvements tout au long de la journée. Surtout, la réflexion nécessaire pour créer un espace dog-friendly constitue une démarche profondément inclusive, car elle oblige à considérer les besoins physiques de tous les occupants – qu'ils soient propriétaires de chiens, allergiques, phobiques ou simplement indifférents. Cette approche reconnaît notre nature d'êtres corporels et sensibles, nous rappelant que nous sommes aussi des animaux aux besoins physiologiques et pas seulement des cerveaux déconnectés de leur environnement physique.
Quoi qu’il en soit, avec ou sans chien, il est urgent de changer nos habitudes au travail. Voici quelques idées concrètes :
Se lever toutes les 30 minutes : même si c'est juste pour 2 minutes, pour s'étirer, faire quelques pas, regarder par la fenêtre ;
Utiliser une alarme pour se rappeler de bouger (pour ceux qui oublient complètement leur corps) ;
Prendre des appels en marchant : pas besoin d'être devant l'écran pour tous les calls ;
Investir dans un bureau assis-debout : ça aide ;
Adopter un chien si c'est possible (ou proposer de promener celui d'un voisin) ;
Transformer certaines réunions en walking meetings ;
Bloquer plusieurs fois par semaine du temps dans son agenda pour une vraie pause déjeuner avec marche incluse.
Irène Margaritis, responsable de l'unité d'évaluation des risques nutritionnels de l'ANSES, le dit clairement :
L'organisation même de nos modes de vie doit être reconsidérée : que ce soit dans les espaces publics, en laissant plus de place aux modes de mobilité active comme le vélo ou la marche, sur le lieu de travail, en favorisant le sport et en limitant l'inactivité physique, ou dans le système scolaire, en augmentant l'espace et le temps consacrés aux activités physiques et sportives.
La bonne nouvelle, c'est que de petits changements peuvent avoir de grands effets. Par exemple, interrompre la position assise avec des activités légères régulières est aussi (si ce n’est plus) bénéfique que des séances d'exercice structurées. Alors, levons-nous (littéralement) contre la sédentarité ! Notre santé en dépend.
Et vous, combien de temps êtes-vous resté assis aujourd'hui ?
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Qui nous sommes
Laetitia | Cofondatrice de la société Cadre Noir, collabore avec Welcome to the Jungle, autrice de Du Labeur à l’ouvrage (Calmann-Lévy, 2019) et En finir avec la productivité. Critique féministe d’une notion phare de l’économie et du travail (Payot, 2022).
Nicolas | Cofondateur de la société The Family, ancien chroniqueur à L’Obs, auteur de L’Âge de la multitude (avec Henri Verdier, Armand Colin, 2015) et Un contrat social pour l’âge entrepreneurial (Odile Jacob, 2020).
Nous sommes mariés depuis 17 ans. Après avoir vécu près de 10 ans à Londres puis à Munich, nous sommes revenus en France en août 2024. Nouveau Départ est le média que nous avons conçu ensemble au printemps 2020 pour mieux nous orienter dans l’incertitude.
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En plus des chiens (dont je suis une inconditionnelle), il existe de nombreux exercices que l'on peut pratiquer assis et qui permettent de rester en bonne santé. Personnellement, je suis une adepte du Qi-Gong, mais d'autres pratiques sont, bien sûr, envisageables.
Vélo au lieu de voiture pour aller au travail.. c’est bon pour le corps et la planète. 100% d’accord avec vous, et c’est important de diffuser cette idée.